Aides à la rénovation : des évolutions insuffisantes

Au début de l’automne, dans la continuité du plan de relance, le Gouvernement a acté plusieurs évolutions relatives aux aides à la rénovation énergétique des logements privés. Malheureusement, la volonté affichée de soutenir davantage les rénovations globales et performantes ne s’est pas traduite dans les faits. Explications.

Une occasion manquée

Le plan de relance a identifié la rénovation énergétique des bâtiments comme un enjeu prioritaire, lui allouant des moyens importants, bien qu’encore insuffisants au regard des objectifs. Cet affichage augurait d’une volonté politique forte de changer de paradigme, alors que les objectifs à court-terme (500 000 rénovations par an) et à long-terme (ensemble du parc (1) rénové au niveau BBC ou équivalent d’ici 2050) ne sont pas atteints. Seulement 25 000 logements ont été rénovés au niveau BBC-Effinergie Rénovation (2) en 2020 !
Les annonces du mois d’octobre sur les dispositifs MaPrimeRénov’ et les certificats d’économie d’énergie (CEE) n’ont pas transformé l’essai. À contrario, la priorité est donnée à la relance du dispositif existant, sans engager d’évolutions significatives des orientations sur les travaux aidés. Des déceptions sont donc à prévoir sur la baisse des consommations énergétiques, la qualité des travaux et  la situation des ménages touchés par la précarité énergétique.

Pas d’incitation pour les rénovations globales et performantes

Les récentes  évolutions des dispositifs d’aides encouragent très insuffisamment l’atteinte des niveaux de performance qui constituent nos objectifs collectifs pour le climat. Une situation qui préexistait déjà, tant pour le dispositif MaPrimeRénov’ que le système des CEE.
La définition proposée d’une rénovation globale (variant entre 25% et 55% d’économies d’énergie après travaux) n’est pas alignée avec les objectifs nationaux et la proposition de la Convention Citoyenne pour le climat, c’est-à-dire l’atteinte d’une performance en absolue (niveau BBC ou équivalent) intégrant des garde-fous pour éviter les pathologies du bâti.
De la même manière,  opter pour une approche globale de rénovation demeure toujours moins intéressant que de réaliser des travaux lots par lots :

  • d’un point de vue financier, avec des aides moins attractives pour l’approche globale que pour le cumul des travaux lots par lots : soit par exemple 655 € d’aides en moins pour un ménage aux revenus intermédiaires engagé dans une rénovation atteignant le niveau BBC en une fois (3), et des plafonds d’aides trop bas ;
  • aussi bien que technique, avec un montage des plans de financement complexifié par le « maquis » des aides existantes, tant pour les ménages que pour les structures d’accompagnement (4). Sur le terrain, les acteurs du réseau du CLER – Réseau pour la transition énergétique constatent un faible nombre de sollicitations pour des rénovations globales. La nouvelle aide MaPrimeRénov’ rajoute également de la complexité (nouveaux forfaits, multiples bonus, 4 catégories de ménages avec effets de seuils importants), à l’opposé de la simplification promise initialement.

Enfin, un « bonus BBC » a bien été intégré dans MaPrimeRénov’, mais il ne représente pas un levier incitatif suffisant (1 500 € pour les plus modestes) lorsque l’on sait que les rénovations globales et performantes peuvent coûter parfois plusieurs dizaines de milliers d’euros.
Pour le CLER – Réseau pour la transition énergétique, l’enjeu aujourd’hui, serait de créer un cadre pour encourager les rénovations globales et performantes plutôt que les rénovations par gestes. Par exemple, il pourrait être pertinent de garantir que les aides pour une rénovation globale et performante soit majoré 1,3 fois plus (5) que le cumul des aides pour des travaux lots par lots. Aider davantage ces travaux plus difficiles permettra également d’orienter l’offre des professionnels, qui sans cela, restera davantage incitée à réaliser des travaux plus faciles et avec une meilleure rentabilité, au détriment de la performance et de la qualité.

Les plus modestes exclus de la rénovation globale et performante

Dans un contexte où la précarité énergétique s’aggrave (+100 000 coupures ou réductions de puissance pour impayés en 2019 par rapport à 2018 (6), avant même la crise sanitaire), il est indispensable de permettre aux ménages modestes de se lancer dans une rénovation globale, performante et de qualité .
Or, les récentes évolutions prévoient tout l’inverse puisque le reste-à-charge pour les plus modestes ne tend toujours pas vers zéro pour ce type d’opérations (7). En effet, l’annonce d’un reste-à-charge de 10% du coût total  ne concerne que les gestes de rénovation : les ménages les plus modestes sont donc assignés à des travaux moins ambitieux.
De la même manière, en copropriété, le choix a été fait dans MaPrimeRénov’ d’accorder le même niveau d’aide à tous les copropriétaires, quel que soit leur revenu, ce qui représente une évolution favorable. Cependant, ce système implique que les ménages modestes ne peuvent plus faire de demandes d’aides individuelles, ce qui augmente leur reste-à-charge par rapport à la situation actuelle. Par exemple, le réseau du CLER – Réseau pour la transition énergétique a fait remonter le cas d’un ménage très modeste dans une copropriété en Région Auvergne-Rhône-Alpes qui aura un reste-à-charge 3,5 supérieur avec MaPrimeRénov’, comparé à un programme d’intérêt général (PIG) animé par un opérateur habitat sur ce même territoire. La possibilité pour les ménages modestes d’obtenir individuellement des bonus liés à leurs ressources doit être clarifiée.
Cette analyse est à mettre en perspective avec la situation très favorable induite par le système d’aides actuel pour les propriétaires bailleurs (rénovation de trois logements autorisés par bailleur, MaPrimeRénov’, CEE, déficit foncier, TVA 5,5%, aucune condition de revenus, aucune contrepartie sociale ou écologique). Intégrer des garde-fous pour éviter les effets d’aubaine semble indispensable.

Les autres freins

Plusieurs autres freins ont été rapportés par le réseau du CLER -Réseau pour la transition énergétique concernant la mise en œuvre de MaPrimeRénov’  :

  • de nombreuses opérations exclues du périmètre. Outre des formes juridiques assez fréquentes (usufruit, nue-propriété…), l’exclusion majeure de MaPrimeRénov’ concerne les acquisitions-rénovations, alors qu’il s’agit d’une opération comprenant des travaux souvent ambitieux. Cela concerne par exemple 20% des dossiers traités par un des Espaces Conseil FAIRE en Région Auvergne-Rhône-Alpes ;
  • une articulation entre l’accompagnement prévu dans MaPrimeRénov’ et le programme SARE (8) encore trop floue. L’articulation entre les actes métiers du SARE et les dispositions prévues pour l’accompagnement dans MaPrimeRénov’ (prime AMO de 150€, AMO obligatoire en copropriété, audits obligatoires…) n’a pas encore été précisée. Il est pourtant essentiel de garantir une parfaite cohérence entre les différents dispositifs en cours de déploiement ;
  • des problèmes techniques entravant l’accès aux aides. De très nombreux témoignages du terrain ont fait remonter des blocages techniques importants concernant le dépôt des aides sur la plateforme Internet (bugs, impossibilité de joindre l’assistance, etc.). De plus, le traitement des dossiers a pris du retard, notamment en raison de la crise sanitaire, avec pour conséquence le non-versement des aides dans de nombreux cas. Cela s’avère particulièrement problématique pour les ménages les plus précaires qui n’ont pas reçu comme prévu l’avance de leurs aides (jusqu’à 70% du montant total).

En conclusion

Le CLER – Réseau pour la transition énergétique tient à rappeler l’urgence de faire évoluer les aides à la rénovation énergétique pour encourager massivement la rénovation énergétique en accord avec les objectifs et impératifs climatiques; et demande au Gouvernement de revoir sa copie en conséquence.

(1) Soit près de 30 millions de logements à rénover au niveau BBC (Bâtiment Basse Consommation – 80 kWhEP/m².an).

(2) Source : www.effinergie.org/web/images/attach/base_doc/2715/20200717tableau-de-bordt2compressed-2.pdf

(3) Source : calculs réalisés par Dorémi

(4) C’est-à-dire le réseau des Espaces Conseil FAIRE : www.faire.gouv.fr

(5) L’ « Étude des conditions nécessaires pour atteindre la performance BBC ou équivalent à terme en logement individuel », réalisée pour le compte de l’ADEME par Dorémi et Enertech, montre en effet qu’une rénovation performante réalisée en 3 à 4 étapes générerait une surconsommation de 30% par rapport à une rénovation performante réalisée en une fois.

(6) Source ONPE : https://onpe.org/sites/default/files/chiffres_cles2.pdf

(7) Pour les rénovations globales, les ménages les plus modestes sont orientés vers le Programme Habiter Mieux de l’Anah, avec un reste-à-charge élevé puisque la subvention maximale est de 19 000 € pour 30 000 € de travaux, sans possibilité de cumul avec MaPrimeRénov’ ou les CEE.

(8) SARE : Service d’accompagnement pour la rénovation énergétique, nouveau moyen de financement du réseau d’accompagnement à la rénovation énergétique en cours de déploiement.

Contact

Etienne Charbit

Responsable de projets Efficacité énergétique

etienne.charbit[arobase]cler.org